Vue d’ensemble du coupleur:

Il s’agit du rack blanc, sous l’un de mes relais de test (T800 Série II Slimline).

Composition du coupleur

Isolateurs

On voit sur cette photo les deux circulateurs et leur charge 50 Ohms, fixés sur les éléments de droite et de gauche du coupleur que j’ai démonté.
Le circulateur est l’élément rectangulaire avec plusieurs connecteurs coaxiaux. Il permet de faire circuler les ondes dans un sens bien précis: du port 1 vers le port 2, du port 2 vers le port 3, du port 3 vers le port 1, etc.
On pourrait faire l’analogie avec 3 diodes montées en série dont la cathode de l’une reliée à l’anode de la suivante, avec un montage se rebouclant sur lui-même en formant un triangle, et avec chaque point de connexion entre diodes représentant un des ports du circulateur: le courant ne circule alors que dans un sens.
C’est un peu plus compliqué dans le cas du circulateur. Je vous laisse questionner votre moteur de recherche favori si vous voulez en savoir plus, car ce n’est pas l’objectif de ce billet.

La charge 50 Ohms est l’élément rectangulaire gris relié au port 3 du circulateur par une liaison coaxiale rigide.
Ces deux éléments associés forment un isolateur, dont le fonctionnement est le suivant:

  • Le port 1 est celui connecté en sortie de l’émetteur dont il faut coupler l’émission avec celle d’un second émetteur vers l’antenne ;
  • Le port 2 est relié vers la cavité associée ;
  • Le port 3 est relié sur une charge 50 Ohms.

L’émission appliquée sur le port 1 est envoyée vers la cavité. Toute onde stationnaire causée par un désaccord de la cavité ou de l’antenne, et toute émission issue de l’autre émetteur connecté au coupleur, se retrouve redirigée vers le port 3 du circulateur et est absorbée par la charge 50 Ohms. L’émetteur relié au port 1 ne voit donc jamais de retour d’onde stationnaire, ce qui permet de ne pas détériorer son étage final d’amplification radio lors du réglage automatique de la cavité.
On remarquera par ailleurs les deux connecteurs SMB mâles sous le port 1 et le port 3. Ils fournissent respectivement un signal représentatif de la puissance directe et de celle réfléchie, ce qui sera très utile pour le traitement effectué par la carte électronique. Ces connecteurs supplémentaires sont une particularité du modèle de circulateur utilisé dans ce coupleur.

Cavités

Une cavité est un caisson métallique étanche d’un point de vue RF, équipé de deux connecteurs coaxiaux, dans laquelle est placé un élément mobile qui va perturber (ou favoriser, selon le point de vue) la propagation des ondes.
La diffusion des ondes à l’intérieur de la cavité, d’un connecteur coaxial à l’autre, est assurée par des boucles soudées sur chaque connecteur:



Cette boucle se comporte comme un court-circuit en continu ainsi qu’à des fréquences très basses, et comme un circuit ouvert en haute fréquence, à l’image d’une inductance montée en parallèle.

Tube quart d’onde de longueur réglable:

Son axe est creux et fileté à l’intérieur, dans lequel vient se loger une vis sans fin dont la rotation est automatisée grâce au moteur pas-à-pas
Pour que la cavité ne laisse passer qu’une plage de fréquences précise d’un connecteur à l’autre, il faut que la longueur du tube soit égale au quart d’onde de la fréquence de l’émetteur.
Ici encore, la description du fonctionnement est plus que simplifiée. Il s’agit par la suite de comprendre le principe de fonctionnement et non de réaliser une cavité en partant de zéro. Votre moteur de recherche favori se fera un plaisir de combler les lacunes 🙂

Vue de partielle de l’intérieur d’une cavité:

Couplage final

On voit une ouverture commune entre les deux cavités, dans laquelle se loge le connecteur central relié à deux boucles, allant chacune vers l’intérieur des cavités. C’est sur ce connecteur coaxial que sera connectée la liaison coaxiale vers l’antenne. Je ne parle pas de la connexion vers l’antenne elle-même, car il manque d’autres éléments permettant au final de relier aussi la partie réception sur cette même antenne, sans être perturbée par les émissions.

Couplage complet émission/réception

Un exemple de coupleur assurant la liaison sur une seule antenne de plusieurs émetteurs/récepteurs est parfaitement décrit dans ce document réalisé par ICOM: https://www.icom-france.com/files/doc-IF-COUPL-fr.pdf
Dans ce document, les cavités sont remplacées par le coupleur hybride.

Essais et mesures

Comme indiqué plus haut, la longueur du tube mobile détermine la fréquence que laissera passer la cavité. S’agissant à l’origine d’un coupleur destiné à être utilisé avec des équipements TETRA 410/430MHz, sa plage de fréquences ne couvre pas celle réservée au service amateur de la bande des 70 centimètres: 430/440MHz. Certains fabricants permettent ce type de réutilisation de matériel professionnel, mais ce n’est pas le cas ici. Il va falloir bricoler un peu!
J’ai commencé par procéder à l’ajustement du tube mobile des cavités, afin de m’assurer qu’il sera possible de les utiliser 10MHz plus haut. Cette opération est très simple à mettre en œuvre, puisqu’il suffit de déplacer la position du tube sur son axe:

Le flèche rouge indique l’emplacement de la vis qui maintient le tube en position sur son axe. Il faut simplement la déserrer, faire reculer le tube vers le moteur pas-à-pas, et resserer la vis.

Pertes d’insertion, bande passante, etc.

Vérification du niveau de sortie du banc radio:

Bande passante d’une cavité mesurée de la façon suivante:

  • Émission non modulée du banc radio sur 435MHz, appliquée sur le connecteur de gauche du coupleur, dont la cavité est réglée sur 435MHz ;
  • La cavité du côté droit est réglée sur 435.2MHz et son isolateur est relié sur une charge 50 Ohms ;
  • Entrée de l’analyseur de spectre reliée sur le port commun au centre du coupleur

Les mesures ci-dessous sont réalisées en effectuant les modifications suivantes sur la configuration de test précédente:

  • La charge 50 Ohms est reliée sur le port commun des cavités ;
  • L’entrée de l’analyseur de spectre est reliée sur le connecteur de droite ;
  • Émission du banc radio sur 435MHz sur la première capture d’écran, et 435.2MHz sur la seconde.


On constate des raies résiduelles qui ne sont visiblement pas absorbées par la charge de l’isolateur relié à l’analyseur de spectre!

Les mesures ci-dessous sont réalisées en effectuant les modifications suivantes sur la configuration de test précédente:

  • La sortie du banc radio est reliée sur le connecteur de droite ;
  • L’entrée de l’analyseur de spectre est reliée sur le connecteur de gauche ;
  • Émission du banc radio sur 435MHz sur la première capture d’écran, et 435.2MHz sur la seconde.


Ici l’isolateur opposé effectue correctement son office. Ceci est confirmé en échangeant la position des isolateurs: le problème se déplace sur l’autre côté du coupleur! Ce coupleur cobaye ne pourra pas être réutilisé en tant que tel sans remplacer l’isolateur défaillant.

Dernière mesure, montrant le résultat obtenu en injectant une porteuse de 435MHz sur le connecteur de gauche, et de 435.2MHz sur le connecteur de droite:

Cette capture d’écran est obtenue en mode « Max Hold » (maintien des valeurs maximales), ce qui m’a permis de déplacer la sortie du banc radio du connecteur de gauche vers celui de droite, en prenant soin de définir la fréquence d’accord des cavités concernées. Le marqueur 1 représente une émission parasite captée lors de la connexion de la sortie du banc radio sur le connecteur de droite. Cette raie n’est restée visible qu’à cause du mode de capture « Max Hold » utilisé.
On constate au passage une perte d’insertion de 3.37dB, ce qui n’est pas négligeable. Il conviendra de « monter les watts » pour rattraper cela.
La présence d’un présélecteur et d’un préamplificateur dans la rack de couplage ICOM (car c’est l’exemple mentionné précédemment, mais ce n’est pas spécifique à ce fabricant) devient évidente, car un récepteur seul ne sera pas capable de rattraper de telles pertes sur le couplage RX.

Partie électronique

Ce coupleur cobaye avait aussi quelques soucis électroniques à corriger avant de pouvoir effectuer la rétro-ingénierie de cette partie.
Remettons les choses dans leur contexte: il s’agit d’équipements qui existaient déjà du temps du réseau Dolphin Telecom. L’architecture de la partie « logique » est donc aussi d’époque, avec un processeur, sa mémoire Flash, ROM et EEPROM, ainsi que tout un tas d’opérateurs logiques et autres « latch » servant au décodage d’adresses.
Le défaut le plus pénalisant concernait l’exécution du logiciel embarqué, qui se bloquait dans une boucle infinie en entrant dans l’un des menus de l’interface homme machine accessible depuis le port série. L’œil du technicien et l’expérience aidant, j’ai trouvé assez facilement les composants en cause.
Un composant grillé, peut-être à cause de la connectique utilisé mélangeant tout type de signaux avec l’alim et qui n’est pas forcément adaptée pour empêcher les erreurs de positionnement:


On distingue le marquage « 6c » sur les autres composants en boîtier SOT-23 placés sur la même ligne. Une recherche dans la matrice des marquages CMS mise à disposition par s-manuals.com laisse supposer une forte probabilité de référence de transistor bipolaire BC-817. Le câblage coïncide avec ce type de composant: une résistance en série sur la base, une résistance de tirage au +5V interne de la carte sur le collecteur, et l’émetteur à la masse.
J’en ai tout un stock, je procède donc au remplacement, mais sans effet sur le problème initial.
Le dysfonctionnement serait donc purement logiciel? Ce composant grillé serait-il un indice de surtension qui se serait éventuellement propagée plus loin sur la carte?

Ci-dessous l’identification des composants liés à la partie logicielle de la carte:

Puisque j’ai deux équipements complets sous la main, je procède à l’échange des ROM, car elles sont montées sur support (autant commencer par le plus facile), mais cela ne solutionne pas le problème.
La référence de l’EEPROM « 24C02 » indique que sa capacité de mémoire n’est que de 256 octets, ce qui semble plutôt réservé au stockage des données de réglage / paramétrage qu’à du logiciel.
Il ne reste donc plus que la Flash à tester, car elle est moins compliquée à dessouder que le processeur, et aussi parce que j’ai une multitude de supports CMS pour ce boîtier PLCC32. La dépose de ce composant est effectuée avec une station à air chaud, qui souffle de l’air très chaud à travers une buse de quelques millimètres de diamètre. En lui faisant parcourir le tour du composant à plusieurs reprises, on diffuse la chaleur sur toutes ses broches afin de faire fusionner l’étain qui le maintient sur la carte. Par sécurité, comme le flux d’air chaud n’est pas suffisamment ciblé sur le composant à dessouder, je recouvre les petits composants environnants avec de l’adhésif de type Kapton, qui résiste aux très fortes températures. C’est un adhésif transparent de teinte orangée / cuivrée facilement reconnaissable. J’identifie chaque composant décâblé avec un marquage au crayon à papier sur la face où se trouve la gravure de la référence, je nettoie leurs broches avec un fer à souder et de la tresse à dessouder pour supprimer l’étain, puis au nettoyant de flux de soudure pour supprimer tout dépôt de flux laissé par la tresse à dessouder. J’effectue le même nettoyage sur les cartes, et je place les supports CMS. Le circuit imprimé n’est pas prévu pour recevoir ces supports, mais ça rentre tout de même en décalant légèrement le condensateur de découplage de l’alimentation électrique de la mémoire Flash.

Résultat de l’opération:

Miracle de l’électronique, l’utilisation de la mémoire Flash de l’autre carte résout le problème. Encore mieux, le problème se déplace sur l’autre carte avec la mémoire défaillante!
Comme je n’ai pas cette référence en stock, je tente un clonage de la mémoire fonctionnelle dans celle qui me pose problème. Cette opération se déroule sans encombre. Il n’y a visiblement pas eu de destruction du composant, heureusement! Du coup je mets à disposition ici la copie du contenu de la mémoire fonctionnelle: AT49F010_$6C66.hex.
À toutes fins utiles, je mets aussi la copie de la ROM dont le contenu est identique entre les deux cartes: M27C512_ECS_SOFTWARE_$E7DB.hex.

Mes premières investigations et suppositions sur le mode de fonctionnement de la carte électronique sont les suivantes:

  • Chaque port externe du coupleur (la connectique accessible par l’utilisateur) est directement relié à un isolateur dédié, disposant d’un pont de mesure de la puissance directe et celle réfléchie. L’isolateur permet à l’émetteur de voir une impédance de 50 Ohms sur sa sortie RF, quel que soit l’accord de la cavité et de l’antenne, et de ne pas injecter le résidu de l’émission présente sur l’autre port du coupleur ;
  • Ces deux mesures issues de chaque port sont connectées chacune sur un mélangeur (référence NE602), soit 4 mélangeurs au total, utilisés pour distribuer et/ou aiguiller ces signaux vers différentes fonctions présentes sur la carte électronique. La fonction de commutation et le mode de fonctionnement de ces mélangeurs restent à déterminer ;
  • Les signaux représentatifs de la puissance directe sont envoyés vers un double circuit de détection d’enveloppe, permettant au processeur de détecter une émission sur l’un des ports et d’identifier le port en question ;
  • Ces mêmes signaux sont commutés vers une PLL (référence MC145191F) afin de permettre au processeur de connaître la fréquence de l’émission ;
  • Les signaux représentatifs de la puissance réfléchie sont commutés vers un récepteur offrant la possibilité de mesurer le RSSI, constitué d’une PLL (référence MC145191F) et du circuit de réception (référence SA626D).

Il me reste à présent à trouver un moyen de tromper le logiciel, car celui-ci refuse d’effectuer l’accord des cavités si le signal émis est hors bande TETRA 410/430MHz.

Compte tenu du fonctionnement de la détection de fréquence, deux solutions sont envisageables:

  • Intercaler un microcontrôleur qui aura pour fonction de tromper la lecture de fréquence effectuée par le processeur d’origine ;
  • Modifier la fréquence de l’oscillateur local servant de référence pour la détection de la fréquence.

À suivre…